Patrimoine historique
L’un des éléments avérés pour l’apparition du patrimoine s’accompagne de la présence d’un danger de disparition. Cette situation provoque chez le public de proximité un sentiment d’urgence pour la conservation du bien menacé. Le cas de la maison des frères Page à Candiac illustre bien ce principe. Quelle serait la démarche idéale pour décider du sort d’un patrimoine en danger?
La situation
En 2013, le nouveau propriétaire de la maison des frères Page fait une demande de démolition auprès des autorités municipales. Rapidement, la société historique locale et d’autres personnes s’opposent à la destruction. Les arguments en faveur de la conservation et les informations sur le bâtiment sont sommaires : on lui reconnait une ancienneté de plus de deux cents ans. Des éléments tels qu’un évier en pierre et un toit en bardeaux de cèdre suggèrent une valeur d’authenticité importante.
Au conseil municipal, des élus souhaitent la conservation du monument. Le permis de démolition est refusé.
Une vision pragmatique des enjeux du patrimoine
Les élus soutiennent une motion visant à faire citer la maison. Pour appuyer leur démarche, ils commandent une étude patrimoniale afin de connaitre la valeur historique concrète du bâtiment. Ils veulent savoir comment la maison s’inscrit dans son époque d’origine et si elle vaut la peine d’être conservée.
Par ailleurs, si l’étude montre que la valeur historique est faible, la Ville serait prête à accorder un permis de démolition du monument malgré son ancienneté.
Les conclusions de l’étude
L’analyse révèle la présence d’une importante valeur historique et patrimoniale du bâtiment. Celle-ci s’incarne dans sa capacité à témoigner du passé agricole de la région et dans la continuité filiale; le monument appartient à la même famille depuis près de deux siècles. De même, sa valeur d’authenticité est grande — le monument illustre des modes de construction vernaculaire, il a maintenu un bon état de conservation et son carré d’origine en pierre est exemplaire des maisons de ferme érigées aux XVIIIe et XIXe siècles dans la région. Sa valeur de rareté est également importante de même que son environnement : le couvert végétal, la dimension du terrain et sa proximité au fleuve Saint-Laurent lui attribuent une valeur paysagère exceptionnelle.
Les élus passent à l’action
Le rapport de l’étude est déposé à la fin aout et les élus se donnent quelques semaines pour mesurer tous les impacts d’une décision. Cependant, dès la mi-septembre, la municipalité procède à la citation du monument selon les dispositions de la Loi sur les biens culturels.
La Ville pourra ainsi refuser toute demande de démolition ou de déplacement. Elle se donne également le droit d’acquérir et d’exproprier les lieux. Dans le cas de rénovations, elle pourra exiger que les caractéristiques patrimoniales soient préservées.
S’élever au-dessus des débats
Le cas de la maison des frères Pages révèle des balises qui pourraient être mises en place pour tout monument historique. Ainsi, lorsque des protestations contre des démolitions s’élèvent sur la base d’information sommaire ou convenue – tout monument est représentatif de quelque chose –, il importe que les élus commandent une étude impartiale afin de valider les différentes valeurs patrimoniales (historique, contextuelle, authenticité, paysagère, rareté et autres) réelles du bâtiment. Si celles-ci s’avèrent tangibles, il est souhaitable d’agir et de protéger le monument selon le niveau dans lequel il s’inscrit (citation ou classement).
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