Patrimoine culinaire

Le 17 septembre dernier, le Musée de la civilisation à Québec, en collaboration avec Patrimoine Canada (museevirtuel.ca), inaugurait une exposition virtuelle sur le patrimoine alimentaire. Avec Bien manger, ce patrimoine, qualifié de nouveau, effectue une première incursion parmi le grand public. Comment peut-on apprécier un patrimoine qui se détache des valeurs patrimoniales usuelles?

Un regard historique

poutine-canada/diane joly

Une poutine typique

L’intérêt pour l’alimentaire n’est pas nouveau. Ainsi, en 1749, lors d’un séjour en Amérique du Nord, le Suédois Pehr Kalm fait des observations générales sur le contenu de jardins et de quelques repas dans son journal de voyage. Au tournant du XIXe siècle, l’historien Benjamin Sulte retrace des mets typiques chez les Canadiens français, dont la soupe aux pois. En 1925, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal met en valeur la fabrication du sirop d’érable lors de son défilé du 24 juin. Quelques années plus tard, dans un ouvrage sur l’Ile d’Orléans, l’auteur vante l’ancienneté et l’origine française de la méthode de fabrication d’un fromage local

Une préoccupation essentiellement universitaire

Contrairement aux monuments historiques, la perception d’un patrimoine lié à l’alimentation est récente. Ses enjeux sont surtout associés à la recherche universitaire. Trois approches sont proposées pour l’appréhender : phénomène social, bien-manger et ethnologique.

Le phénomène social

L’étude des objets comme phénomène social s’intéresse à la création du patrimoine. Le chercheur doit être à l’écoute de situations émergeant dans la société québécoise et pouvant influencer le regard posé sur les objets alimentaires. De fait, le mouvement actuel de redécouverte et de valorisation du terroir et la réinterprétation de certains classiques alimentaires participent à l’évolution et à la construction de ce patrimoine. En 2008, la crise de la listériose a influencé la perception des Québécois sur l’importance des fromages locaux. En somme, il s’agit de prendre en compte les phénomènes sociaux dans l’étude du patrimoine. La démarche est formaliste et ouverte aux changements.

L’approche du bien-manger

La méthode du bien-manger est liée aux enjeux de la gastronomie. Des chercheurs se demandent ce qu’il y a de proprement québécois dans une cuisine marquée par des traditions française, britannique et américaine auxquelles s’ajoutent la cuisine et les traditions autochtones. Ainsi présenté, le métissage pourrait constituer une caractéristique propre à la cuisine québécoise et patrimoniale.

L’approche ethnologique

L’approche ethnologique propose que le patrimoine alimentaire se compose de sites, d’objets et de savoir-faire que l’on veut conserver comme des trésors. Ils sont transmis et assurent ainsi une continuité. Ils s’inscrivent dans le temps et constituent une identité durable. Ces lieux et objets sont appropriés et constitués d’emprunts à d’autres cultures. La méthode est également souple car elle s’adapte à des environnements physiques et sociaux multiples.

Selon cette discipline, dans bien des cas, c’est un patrimoine qui découle surtout de savoir-faire transmis de génération en génération alors que des plats présentant le même gout et la même odeur se retrouvent sur les tables québécoises depuis des décennies.

Un corpus original et diversifié

Char «Fabrication du sirop d'érable ». Défilé Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, 1925

Char « Fabrication du sirop d’érable ». Défilé à Montréal, 1925

Au vue des différentes modalités d’appréhension, le corpus du patrimoine alimentaire s’incarne dans plusieurs sphères. Au niveau des ingrédients entre autres : sirop d’érable, maïs, pomme, fraise, pomme de terre, porc, produits de la chasse et de la pêche… Parmi les plats préparés : pâté chinois, tourtière, cipaille, cretons, jambon, poutine, fèves au lard, pouding chômeur, sucre à la crème, galette, cidre, fromages… Et pour les pratiques : cabane à sucre, souper en famille, réveillon du jour de l’an, pizza et bière après un déménagement,  5 à 7 du jeudi entre collègues et amis. Parmi ces exemples, plusieurs sont des emprunts à d’autres cultures.

Le corpus comprend aussi des plats, des assiettes et autres instruments qui servent à la préparation. De même que les livres de recettes anciens ou annotés par un ancêtre, les souvenirs que provoquent des odeurs savoureuses d’antan comme celles des tartes de grand-mère ou la remémoration de moments joyeux en famille ou entre amis.

La situation du patrimoine culinaire au Québec

Au niveau de l’UNESCO, la gastronomie française et la cuisine traditionnelle mexicaine font parties du patrimoine immatériel mondial. Au Québec, les premiers objets du patrimoine alimentaire sont à convenir.

Dans l’ensemble, il s’agit d’un patrimoine accessible à tous qui offre la possibilité de réfléchir sur des gestes du quotidien et de consommation. Tous peuvent participer à son élaboration et à sa conservation que ce soit par l’utilisation d’ingrédients ou par la transmission d’un savoir-faire unique à une famille, à une localité, ou à une région.

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