Église Notre-Dame-de-la-Paix (Verdun) Photo : Conseil du patrimoine religieux (2003)

Notre-Dame-de-la-Paix
Photo : CPRQ, 2003

Patrimoine religieux

Le conseil municipal de la Ville de Montréal a adopté un projet de règlement afin de construire un centre de ressources intermédiaires rattaché au CLSC local. Dans l’ensemble, le projet a l’appui des élus de l’arrondissement de Verdun et de l’évêché de Montréal. Cependant, il implique la destruction complète de l’église Notre-Dame-de-la-Paix. Prudents, les élus demandent aux experts en patrimoine de la Ville d’émettre un énoncé d’intérêt. Quels sont les éléments décisifs pour se défaire d’un bien patrimonial?

Historique de la paroisse

En 1917, au lendemain de la Première Guerre mondiale et d’une forte migration des Canadiens français vers la ville, une portion du territoire de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est démembrée pour former la paroisse Notre-Dame-de-la-Paix. L’année suivante, la première église est construite. La seconde église est érigée après le deuxième conflit mondial. En 2006, l’archevêché de Montréal décide de fusionner les trois paroisses de Verdun.

Valeurs patrimoniales

Le monument n’est pas classé par le MCC, ni cité par la Ville. Il n’y a pas de mention dans le répertoire du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ). Selon le plan d’urbanisme de Montréal, en vigueur depuis 2004, l’église est un bâtiment d’intérêt patrimonial et architectural à l’extérieur des secteurs de valeur exceptionnelle de l’arrondissement.

L’énoncé est préparé par des experts de la Ville. Selon eux, l’intérêt patrimonial repose avant tout sur une valeur urbaine en raison de l’intégration harmonieuse du monument dans son milieu. L’église Notre-Dame-de-la-Paix présente également une valeur historique en témoignant de l’architecture typique de son époque (1949-1950). Enfin, le bâtiment possède aussi une dimension symbolique et sociale par l’attachement des paroissiens au lieu où furent célébrés des moments marquants pour eux. En somme, les valeurs patrimoniales associées à cette église sont peu élevées, voire génériques.

Absence de mobilisation citoyenne

La valeur symbolique et sociale est probablement la plus importante pour les paroissiens qui perdent leur église. Cependant, Verdun fait à peine neuf kilomètres carrés. Le sentiment d’appartenance s’étend sans doute delà la paroisse, à l’ensemble du territoire. De fait, les citoyens et la société historique locale ne se sont pas mobilisés pour sa sauvegarde.

Plans originaux

Pour conserver des traces de l’église, le promoteur propose de récupérer des pierres de la maçonnerie et de les intégrer dans le nouveau bâtiment. De plus, il suggère de créer un élément dépassant le toit afin de rappeler symboliquement le clocher de l’église.

Protestations d’experts

Ces idées déplaisent aux spécialistes. Ainsi, le Comité Jacques-Viger, un groupe d’experts en patrimoine mandatés par la Ville, souligne que « la démolition complète de l’église et du presbytère n’a pas été pleinement justifiée. » Il poursuit en ajoutant que « la récupération de pierres [dans l’architecture du nouvel édifice] ne permet pas de transmettre des valeurs patrimoniales (24 heures, 30 sept 2013) ».

Les critiques sont similaires de la part d’Héritage Montréal, un organisme qui vise à promouvoir et à protéger le patrimoine du Grand Montréal : « Cette prétention de garder quelques pierres pour conserver le bâtiment, c’est du faux semblant patrimonial ». Le groupe reconnait qu’il s’agit d’une bonne idée pour la communauté, mais que cela ne doit pas se faire au détriment du patrimoine (24 heures, 30 sept 2013).

Décision

En fin de compte, l’arrondissement Sud-Ouest (Verdun) a approuvé la démolition de l’église et la construction d’un nouveau bâtiment. Dans les plans révisés par le promoteur, la pierre de récupération et le dépassement sur le toit sont supprimés. L’arrondissement souligne que le comité d’experts fait des recommandations, mais que ce sont les autorités municipales qui prennent la décision ultime.

Bien-être collectif ou patrimoine?

Le nouveau centre aura une capacité de 155 lits et offrira 80 places de garderie ainsi qu’une chapelle accessible au public. La destruction de l’église est certes à déplorer. Toutefois, la nouvelle vocation du lieu permettra une meilleure densification de la population. Il offrira une ressource importante pour la clientèle âgée locale notamment en lui permettant de continuer d’habiter le quartier. C’est dans cet esprit que le curé de la nouvelle paroisse explique la situation : « Le fait qu’à l’avenir, un centre de santé va y desservir la population verdunoise et du Sud-Ouest est tout de même un réconfort pour ceux et celles qui vont perdre un morceau de leur histoire (Magazine de l’Île-des-Sœurs, 28 aout 2013) ».

Plus loin que la pierre, dans son essence, l’esprit du lieu perdure en demeurant un endroit rassembleur pour les résidents du territoire.

4 Responses to L’église Notre-Dame-de-la-Paix :

sacrifier le patrimoine pour le bien-être collectif

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