Histoire du patrimoine : les pionniers 
A.C. de Léry MacDonald, vers 1920. Archives régionales de Vaudreuil-Soulanges.

A.C. de Léry MacDonald, vers 1920.
Archives régionales de Vaudreuil-Soulanges

Entre 1887 et 1897, Archibald Chaussegros de Léry MacDonald fait un passage remarqué à la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal avec des engagements qui lui donnent une visibilité publique exceptionnelle parmi les Canadiens français[1].

Exposition de portraits historique, 1887

En décembre 1886, Chaussegros de Léry MacDonald est l’un des rares Canadiens français à adhérer à la Société d’archéologie. Dès son adhésion, il participe aux débats et s’implique dans l’organisation de nombreuses activités motivantes. Ses intérêts pour l’histoire des familles anciennes et la généalogie l’amènent à proposer une exposition de portraits historiques à l‘occasion du 25e anniversaire de la société.

Cette dernière accepte le projet et il est nommé secrétaire du comité qui souhaite exposer au moins 100 portraits. Il s’agit d’un poste des plus exigeants, car il doit coordonner l’événement. L’exposition vise à illustrer les différentes époques de l’histoire canadienne au moyen de portraits de personnages ayant contribué à bâtir le territoire. Chaussegros de Léry MacDonald doit donc d’abord trouver les propriétaires de portraits pertinents, puis les convaincre de prêter leurs œuvres pour l’exposition. Difficile au départ, ce défi se complique par son caractère inaugural en présentant un thème canadien et en offrant l’accès au public[2].

Rapidement, Chaussegros de Léry MacDonald met en place des actions pour assurer le succès du projet. Ainsi, il sort des murs de la Société en présentant une conférence sur le Vieux-Montréal devant les étudiants du Cercle Ville-Marie. Il profite de cette occasion pour annoncer l’exposition et les inviter à venir la voir. Il écrit ensuite aux journaux et aux revues pour les informer de l’événement et des besoins. Le caractère novateur du projet stimule la participation des médias et la future exposition obtient une excellente visibilité dans les quotidiens montréalais. Opportuniste, Chaussegros de Léry MacDonald annonce aussi le projet d’une future galerie de portraits historiques.

En faisant appel tant aux collectionneurs institutionnels que privés, son projet devient collectif. Le succès dépasse toutes les attentes avec près de 500 œuvres prêtées. Leurs propriétaires proviennent de tous les milieux canadiens. L’événement, surtout couru par l’élite, connaît un franc succès avec plus de 1 000 visiteurs.

Une exposition historique pour tous les gouts, 1892

En 1892, la Société s’implique pour le 250e anniversaire de Montréal lorsque l’on lui demande d’offrir une exposition historique. Chaussegros de Léry MacDonald est à nouveau nommé secrétaire du projet. Il commence par un appel public dans les médias où il explique l’exposition envisagée et donne la liste des objets que souhaite présenter la Société – des armes anciennes aux antiquités amérindiennes, aux bric-à-brac. Pragmatique, il demande aux prêteurs de lui fournir le maximum d’information sur leurs objets. À nouveau, il met en place un projet collectif pour un public élargi. L’exposition reçoit des critiques élogieuses. Signe d’une renommée qui grandit, les membres de la prestigieuse Société royale du Canada l’invitent à venir faire un compte rendu de l’activité.

 

Château de Ramezay, entre 1900 et 1925. Bibliothèque et Archives Canada

Château de Ramezay, entre 1900 et 1925.
Bibliothèque et Archives Canada

L’acquisition du château de Ramezay, 1894-1895

À la Société d’archéologie, les membres convoitent le château de Ramezay depuis fort longtemps. En octobre 1893, le gouvernement du Québec le met en vente. Chaussegros de Léry MacDonald suggère que le château héberge la Société pour une somme dérisoire et, qu’en contrepartie, celle-ci assure son entretien, ouvre sa bibliothèque au public et fonde un musée, dont une galerie de portraits historiques, avec accès gratuit. Des membres de la Société rencontrent le gouvernement et les élus municipaux pour soumettre la proposition. Les échanges sont longs et ardus. Chaussegros de Léry MacDonald propose de tenir une exposition qui serait représentative de la galerie historique projetée pour le musée.  L’activité connait un succès avéré et le musée du château de Ramezay ouvre ses portes l’année suivante.

En transition vers la scène patrimoniale canadienne-française, 1887-1897

La période 1887 à 1897 est décisive pour la Société d’archéologie. Il ne fait aucun doute que la vitalité et les idées de Chaussegros de Léry MacDonald ont contribué à son rayonnement. La visibilité exceptionnelle de ce Canadien français auprès de son groupe culturel a été déterminante. À la Société d’archéologie, l’effectif francophone prend un tournant historique. Avant 1882, la proportion d’adhésion est de 4,5 Anglophones pour un Francophone. Elle est à 2,75 entre les années 1882 et 1886. À la suite de l’exposition de portraits historiques, le ratio d’adhésion se renverse complètement avec 3,25 Francophones pour un Anglophone, pendant les deux années suivant l’activité. Cette tendance se maintient par la suite.

Malgré son caractère remarquable, la contribution d’Archibald Chaussegros de Léry MacDonald à l’histoire du patrimoine québécois s’est peu à peu effacée de la mémoire collective. On retiendra plutôt celle de ses collègues William Douw Lighthall et Victor Morin. En 1897, il acquiert la seigneurie de Rigaud où la famille s’établit. Son éloignement de Montréal,  qui l’oblige à cesser son implication à la Société d’archéologie, explique en partie cet oubli.

 

 


[1] Ce texte est issu de mes recherches doctorales sur l’histoire du patrimoine.

[2] À cette époque, ce genre d’activité est réservé aux membres et aux pairs invités.

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