Église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie Collection Christian Poupart, 2014

Église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie
© Collection Christian Poupart, 2014

Patrimoine religieux

À Saint-Jean-sur-Richelieu, la Fabrique a annoncé récemment son projet de fermer trois églises, dont celle de Sainte-Marguerite-de-Blairfindie dans le secteur L’Acadie. Une fois le choc passé, la nouvelle a suscité une mobilisation importante et la formation d’un groupe de sauvegarde dont l’avenir semble prometteur. Quels sont ingrédients nécessaires et favorisant le succès d’une sauvegarde d’envergure?

Les lieux

À L’Acadie, les composantes constituant le patrimoine religieux sont importantes. Ainsi, outre l’église et l’ancien presbytère protégés par le gouvernement québécois, l’ensemble comprend aussi la maison du bedeau, un cimetière, un chemin couvert, une école de fabrique et un calvaire exceptionnel[1]. En somme, c’est beaucoup pour une population éloignée de sa ville centre.

Construite en 1800, l’architecture de l’église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie est inspirée de la Nouvelle-France, entre autres avec la maçonnerie à moellon, la couverture en tôle à la canadienne et la présence marquée de bois à l’intérieur. De son temps, sa façade révèle une disposition et des éléments classiques introduits au Canada par les Anglo-Saxons. À l’intérieur, vingt-deux biens sont également protégés par la loi, dont plusieurs articles de mobilier : orfèvrerie, maitre-autel, prie-Dieu et œuvres d’art.

Les Amis de l’église patrimoniale

Confrontés à la fermeture possible de l’église, les élus annoncent qu’ils ne comptent pas acquérir l’édifice. Une équipe composée de gens d’affaires et d’historiens amateurs se réunit aussitôt et propose de fonder une société dont le rôle serait de gérer et d’assurer la pérennité des lieux. Informé, le Diocèse se dit d’accord avec le projet.

Le comité diversifié de la nouvelle société Les Amis de l’église patrimoniale se compose d’une douzaine de personnes influentes issues du milieu des affaires, de l’administration, du patrimoine et même des forces armés; la municipalité héberge un collège et une base militaires. Le premier objectif de l’équipe est de recruter 500 personnes et organismes acceptant d’adhérer au groupe moyennant une cotisation de 60 $.

Prochaines étapes

L’an dernier, la Fabrique a obtenu une subvention du Conseil du patrimoine religieux pour refaire la fenestration de l’église et réparer le toit du presbytère. Toutefois, le versement de l’aide est tributaire de la capacité de la Fabrique à lever 30 % du montant. Cet objectif n’est pas encore atteint. Pour les Amis, il importe de trouver des fonds afin de garder les lieux ouverts. Le groupe croit aussi qu’il faut réunir la Fabrique, le Diocèse et les élus afin de convenir d’un protocole de cession des lieux.

L’analyse des chiffres montre que les recettes provenant des paroissiens sont minimes. Toutefois, l’église jouit d’une importante popularité pour la célébration de mariages, de baptêmes et pour des funérailles. On souhaite donc maintenir sa vocation religieuse, car elle répond à un besoin concret de la population. Pour générer des fonds, le groupe propose aussi d’en faire un lieu de rencontre pour les mélomanes grâce à une programmation consacrée à la musique des années 1600 à 1800 sur des instruments d’époque. D’autres activités récurrentes seraient aussi lancées pour assurer un autofinancement.

Contraintes légales

Le défi qui attend les propriétaires éventuels du bâtiment, et même du complexe patrimonial, puisque le regroupement des Amis prend en main l’ensemble du patrimoine religieux, est immense. L’église est classée monument historique et profite d’une aire de protection. À l’intérieur, des biens classés, dont des œuvres d’art, ne peuvent être retirés des lieux. Ce sont des contraintes dont il faut tenir compte dans les projets. Par ailleurs, la fermeture de l’église créerait un précédent puisqu’aucun immeuble de ce haut calibre patrimonial n’a changé de vocation.

Un avenir incertain, mais confiant

À ce jour, quelques paroisses bénéficient d’une fondation ou d’un comité dont les activités assurent leur conservation. Dans d’autres cas, les biens sont cédés à un organisme qui transforme l’édifice. Parfois, le culte y est toujours célébré, mais dans un environnement profondément modifié. L’église Sainte-Marguerite de Blairfindie se distingue car son enveloppe extérieure et son aire de protection ne peuvent être altérés et plusieurs biens à l’intérieur ne peuvent être déplacés. Autre nouveauté, même si la corporation est laïque, elle juge important de maintenir la vocation religieuse des lieux.

Intérieur de l'église Conseil du patrimoine religieux, 2003

Intérieur de l’église
Conseil du patrimoine religieux, 2003

Dans l’ensemble, le projet génère une situation gagnante à tous les niveaux. Ainsi, la pérennité et l’accessibilité des lieux demeurent à la portée des Québécois. La municipalité abrite un ensemble patrimonial exceptionnel qu’elle peut utiliser pour attirer des visiteurs. Le Diocèse pourra y maintenir le culte sans se soucier d’assurer l’entretien de l’édifice. Enfin, les paroissiens conservent leur lieu de culte et gagnent l’accès à des concerts de qualité.

La recette

La formation du comité montre que les membres ont su puiser dans la communauté des compétences diverses, mais tout essentielles à la bonne marche d’un tel projet sous divers aspects : subvention, promotion, spécialiste de l’art, historien amateur, architecte, leaders d’opinion et d’entreprises, enseignants. Cette variété de ressources convoque des regards et des méthodes de travail différentes qui a long terme enrichissent l’équipe et les moyens qu’elle déploie pour remplir sa mission et ses objectifs.



[1] En 1994, l’ethnologue Jean Simard a identifié vingt-cinq calvaires, dont celui de L’Acadie, comme devant faire partie du trésor québécois pour la qualité de leur exécution et leurs valeurs artistique et historique.

 

4 Responses to L’église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie :

un patrimoine engageant pour la communauté

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