L'église Saint-Thomas-de-Pierreville (1855) Photo : MRC Nicolet-Yamaska

L’église Saint-Thomas-de-Pierreville (1855)
Photo : MRC Nicolet-Yamaska

Patrimoine religieux

La démolition récente de l’église Saint-Thomas de Pierreville a suscité des critiques. Cependant, la situation sur quelques années montre que les bonnes intentions de conservation au départ ont peu à peu fait place à un démantèlement inéluctable avec la disparition en synchronie des moyens existants.

Située en milieu rural à proximité du lac Saint-Pierre, la municipalité est créée en 2001 à la suite d’une fusion du village de Pierreville et des paroisses Saint-Thomas-de-Pierreville et Notre-Dame-de-Pierreville. Environ 2 200 personnes y résident. L’érection canonique de la paroisse Saint-Thomas de Pierreville a lieu en 1853. Deux ans plus tard, l’église paroissiale est inaugurée. Selon le Conseil du patrimoine religieux, le bâtiment n’est pas éligible à ses programmes de subvention, car sa valeur patrimoniale est jugée faible.

Acquisition des lieux

En 2009, la ville fait une offre d’achat. Elle obtient une partie des terrains et l’immeuble pour la somme de 1 $ à la condition de démontrer la faisabilité de projets. Selon la municipalité, son devoir est d’assurer la protection de ces lieux acquis et financés par le groupe. Elle s’engage à utiliser le site au profit de la communauté, à maintenir un lieu de culte et à produire les études pour un projet.

L’ascendance du politique

En 2011, un accord de principe survient avec le ministère de la Culture. Toutefois, la municipalité doit patienter, car celui-ci attend un moment stratégique pour l’annoncer. L’année suivante, on veut y déménager la bibliothèque et profiter d’une subvention. Mais, l’examen de la structure révèle des couts de réparation trop élevés pour les capacités de Pierreville. Avec un conseil des élus divisé, le Centre local de développement (CLD) et l’office du tourisme évaluent d’autres projets, dont un musée des navigateurs. On songe aussi à faire visiter le clocher et la crypte.

L’adoption du projet de Loi 28 entraine la fermeture du CLD en 2014. Bien que certains services soient maintenus, le projet de l’église se perd au milieu de dossiers prioritaires.

D’autres suppressions

À l’automne 2014, une centaine de personnes participent à un forum citoyen pour discuter du développement de Pierreville. La notion d’un démantèlement est avancée. On suggère d’y aménager une salle paroissiale. L’idée retenue est assez rapidement abandonnée puisque le Conseil apprend que les subventions du Pacte rural subiront des baisses importantes. La municipalité, elle-même aux prises avec les réductions du pacte fiscal  doit d’abord assurer des structures pour la gestion de l’eau.

Une décision pratique

L’année suivante, la ville décide de démanteler le bâtiment afin d’y construire une coop de santé et de solidarité ainsi qu’une pharmacie. En retour, Pierreville achète le bâtiment de la Coop pour y déménager sa bibliothèque, ses archives municipales et la Société historique. Malgré des oppositions, à peine une quinzaine de personnes signent les registres exigeant un référendum. Le projet va de l’avant. L’église est désacralisée.

Un autre projet qui demeure sans suite

En février 2016, la municipalité annonce que le projet avec la coop est arrêté. L’entente initiale qui prévoyait des versements sur quelques années est révoquée par la coop qui veut dorénavant un versement complet. Il s’ensuit que le ministère des Affaires municipales refuse d’accepter l’entente qui avait été conclue et de verser la subvention. Une cheminée en mauvais état, un mur de soutènement abimé, une facture d’environ 20 000 $ par année pour maintenir l’intégrité du bâtiment et l’absence d’un projet concret amènent les élus à poursuivre la démolition.

Et puis, la ville vient d’apprendre que l’église est construite sur un terrain cédé par les Abénakis à la condition qu’il serve à la construction d’une église. Un dossier comprenant ce terrain est constitué devant le tribunal des revendications territoriales.

Gérer la fin d’un bâtiment

La ville organise bénévolement un encan public qui connait un succès de foule venue se procurer un souvenir de leur église, et financier. Les cloches et le cadran solaire qui ornait la façade de l’église sont conservés. L’argent recueilli servira à mettre en valeur ces éléments. La ville compte aménager un parc en attendant un projet. Elle s’engage à conserver le terrain pour un but municipal. Un salon funéraire a récemment manifesté son intérêt pour le terrain.

Un patrimoine des plus démunis

Au-delà de la volonté, de la mobilisation et même des idées, le patrimoine nécessite des ressources spécialisées et financières.  Depuis deux ans, celui de Pierreville s’est retrouvé dépouillé de l’expertise des CLD et aux prises avec des coupures dans des programmes de subvention et le pacte fiscal.

Les petites municipalités sont défavorisées sur le plan du développement industriel et des d’infrastructures. Quand vient le temps de décider des priorités, le patrimoine se retrouve rapidement dans la catégorie des biens de luxe que l’on sacrifie pour les nécessités basiques de la collectivité. Pourtant, son importance n’est plus à démontrer pour stimuler la fierté d’appartenance à un lieu, à un groupe, favoriser la cohésion sociale et le développement durable. Sans oublier les effets associés à la beauté d’un lieu, source d’émerveillement essentielle à la vie et point d’ancrage dans une communauté.

A-t-on vraiment les moyens de priver les petites municipalités de leur patrimoine?

La démolition de l'église entraine la perte d'un repère visuel dans le paysage pierrevillois. Photo : MRC Nicolet-Yamaska

La démolition de l’église entraine la perte d’un repère visuel important dans le paysage pierrevillois.
Photo : MRC Nicolet-Yamaska

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Diane Joly
5 années il y a

Je pense au contraire que les gens de Pierreville souhaitaient conserver leur église. Toutefois, ils ont vu un à un disparaître ou modifié les programmes qui auraient les aider.

Ça prendrait sans doute des spécialistes en patrimoine dans les instances gouvernementales qui allouent des subventions.

Nathalie Freitag
5 années il y a

Ces cœurs de village qui disparaissent les uns après les autres, remplacés trop souvent par de la laideur, c’est si triste. Il faudrait une éducation au paysage… Le paysage, sa beauté, son originalité, ou seulement son unicité, ses résonances affectives, me semblent quelque chose qui fait vibrer l’humain spontanément, sans que soient nécessaires un certain savoir, des connaissances académiques, historiques ou artistiques. Même les gens de la place ne semblaient pas y être vraiment sensibles, ou assez sensibles pour dépasser leur attitude fataliste, leur résignation, je ne comprends pas. Que pourrait-on bien faire?

MILLETTE, Gilles
6 années il y a

Je suis personnellement allé sur le site de la démolition de l’église de Saint-Thomas-de-Pierreville à neuf reprises et j’y ai pris une grande quantité de photographies…. Quelle tristesse que de voir disparaître ce bâtiment emblématique du paysage de Pierreville et de la rivière Saint-François…. Il me semble que l’ignorance de la plupart des politiciens en place fit en sorte d’en arriver à un tel résultat…. Cette église constituait l’une des trois églises de brique dont les plans avaient été conçus par l’architecte Victor Bourgeau… les deux autres consistant en celle de Saint-Roch-de-Richelieu et de la Visitation-de-l’Île-du-Pas…. La voûte (en bois) et le double-alignement des galeries latérales étaient remarquables…. J’ai également photographié cet édifice religieux à maintes reprises depuis l’aube des années 1980 et le 4 octobre dernier (2015), j’ai également photographié la cérémonie de désacralisation de ce temple religieux…. Voici un bel exemble jusqu’où la cupidité humaine peut mener…. Alors qu’en Europe, on reconstruit ce même genre de bâtiment détruit durant la guerre de 1939-1945 (à titre d’exemple: à Dresde), ici, au Québec, en raison de l’ignorance tant de notre histoire que de ceux et celles qui ont contribué à construire de tels édifices, on préfère plutôt les démolir sans aucun remords…..

D’un francophile passionné d’histoire et de patrimoine….

Gilles Millette