MISE À JOUR (9 octobre 2015) : Le nouveau propriétaire de l’édifice fait une mise au point.

L'église Saint-James the Less en 2003 Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

L’église Saint-James the Less en 2003
Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

Patrimoine religieux

Récemment, le sort de l’église Saint-James the Less à Compton a connu un dénouement funeste lorsque les élus municipaux ont autorisé le retrait des vitraux ouvrant la voie au démantèlement de l’édifice. Retour sur un cas trop fréquent dans les petites municipalités du Québec.

L’église Saint-James the Less

De tradition anglicane, l’église a été construite en 1886-1887. Ses façades sont en bois et les surfaces à l’intérieur en plâtre. Les vitraux d’origine sont de facture classique. Elle fut érigée pour servir la communauté anglicane de Compton et les jeunes filles fréquentant le collège local. De fait, c’est à la demande des directeurs de l’école que fut construit ce deuxième temple.

Historique de la mobilisation

Depuis 2012, des citoyens de Compton – le comité sur l’avenir de l’église, se mobilisent pour trouver une nouvelle vocation, du financement et établir un plan de travail. L’année suivante, les paroissiens de l’église – une quinzaine de famille constate leur incapacité à assumer la sauvegarde du temple. Ils se disent prêts à céder les lieux à la municipalité.

Le comité sur l’avenir convoque donc la population à une rencontre publique afin de valider leur intérêt à conserver les lieux

Les constats du comité

L’équipe constate que l’intégrité physique de l’édifice est menacée; sa fermeture fut recommandée à l’automne 2012. Elle juge que le cachet de l’église doit être respecté et les vitraux sauvegardés. À la rigueur, ces derniers peuvent être intégrés dans l’architecture d’un nouveau bâtiment.

L'un des magnifiques vitraux de l'église Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

L’un des magnifiques vitraux de l’église
Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

Les conclusions de la rencontre publique

L’assemblée tenue en juin 2013 confirme des besoins et l’idée consensuelle serait l’aménagement d’une salle multifonctionnelle, et le déménagement de la bibliothèque locale. Le comité s’engage à évaluer les idées et à proposer une nouvelle orientation à l’Église anglicane et à la municipalité.

Seule la conservation des vitraux est exigée par les paroissiens qui souhaitent aussi obtenir un espace pour le culte.

Revirement de situation

En juillet 2015, la situation a radicalement changé. Le Diocèse a accepté une offre d’achat conditionnelle d’un dollar d’un homme d’affaires de la région et conseiller municipal. Le contrat exclut des biens patrimoniaux tels que la cloche, les bancs et les vitraux. Par ailleurs, puisque ces derniers sont intégrés à la structure du bâtiment, le comité consultatif d’urbanisme a accepté que les vitraux soient retirés.

Le point de vue de l’Église anglicane

Pour justifier sa décision, le Diocèse explique qu’il a travaillé sans succès avec le comité sur l’avenir de l’église pour trouver une nouvelle vocation et du financement. Il mentionne aussi avoir offert gratuitement le site à la municipalité, mais que cette dernière a refusé l’offre à deux reprises. Enfin, avec la vente, il n’a pas à assumer les frais de démolition.

Les biens patrimoniaux exclus de la vente seront transférés au Bishop’s College School où ils seront, selon l’Église anglicane, « protégés et respectés », notamment par une exposition. Cependant, une fois l’exposition terminée, disparaitront-ils de la sphère publique?

L'intérieur de l'église Saint-James the Less Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

L’intérieur de l’église Saint-James the Less
Photo : Conseil patrimoine religieux du Québec

Le point de vue du comité sur l’avenir de l’église

Surpris par la vente du bâtiment, le comité a tenté en vain de retarder le retrait des éléments patrimoniaux de leur lieu d’origine et l’exécution de la vente. Il souhaitait aussi acquérir le bâtiment de manière transitoire, le temps de trouver une solution. Le Diocèse est tout de même allé de l’avant.

Malgré l’absence de moyens, les arguments du comité sont valables. Ainsi, depuis deux siècles, la vocation du lieu est publique et le comité croit à l’importance de conserver la tradition historique d’accessibilité à tous. Cependant, avec la vente, l’espace devient privé. Bien qu’il était ouvert en 2012 à l’intégration des vitraux dans un autre édifice, le comité souligne que leur déplacement constitue une perte importante de leurs valeurs contextuelle et sociale.

Le point de vue de la municipalité de Compton

La municipalité utilise elle aussi l’argument du fait accompli pour justifier sa décision en prétextant l’absence de motifs pour refuser le permis ou la transaction. Selon le maire de Compton, la décision s’appuie sur un avis juridique, sans doute incomplet puisque l’élu ne mentionne pas la possibilité de faire citer le bâtiment. Contrairement aux affirmations du Diocèse, il signale que la localité a offert d’acquérir les lieux et de procéder à son démantèlement tout en conservant les biens jugés patrimoniaux, dont les vitraux, en les réintégrant dans d’autres bâtiments au sein de la communauté. Ainsi, malgré la perte de sens, ces biens seraient restés dans la sphère publique dans leur localité d’origine.

Que s’est-il passé?

La nouvelle donne entre 2013 et 2015 semble être l’arrivée d’un représentant du Diocèse de Québec qui est également leur archiviste et registraire. Sa formation le rend donc sensible aux enjeux du patrimoine et à l’importance de conserver des artefacts témoignant de l’histoire d’un lieu. C’est probablement pour cela que la cloche et les bancs ont été ajoutés aux biens à conserver. Il semble aussi que l’idée d’intégrer les vitraux à de nouveaux bâtiments sans lien avec la communauté anglicane ait déplu au Diocèse avec raison. En l’absence d’activités ponctuelles de diffusion, l’histoire et l’importance patrimoniale des biens s’oublient rapidement. En fin de compte, la décision de remettre ces biens à une institution anglophone prestigieuse dans la région est la plus judicieuse tant pour la communauté anglicane que pour le patrimoine.

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