Patrimoine historique
En septembre dernier, la ville de Rimouski annonce qu’elle veut adopter un règlement afin de reconnaitre une partie du district Le Bic comme site patrimonial. Toutefois, une opposition s’organise rapidement. Retour sur des craintes et préjugés dans les enjeux du patrimoine.
Le site patrimonial Havre du Bic
Le site envisagé par la ville comprend 138 lots représentant un patrimoine naturel et bâti. Le secteur inclut la Baie-Rose, la Pointe-aux-Anglais, le golf, la crête rocheuse et la Pointe-à-Santerre. Il y a un consensus sur la beauté exceptionnelle du territoire. Les bâtiments anciens sont situés en bordure du parc du Bic. À l’origine, ce sont des chalets ou des résidences d’été transformées en domiciles permanents.
Un projet de reconnaissance inscrit dans la continuité
L’un des opposants émet l’idée que la création du site vise à invalider un projet de développement connu et à favoriser l’éventuelle intégration de la crête rocheuse dans le parc du Bic. Toutefois, plusieurs activités de mise en valeur sont instaurées dans la localité bien avant que soit formulé le projet de règlement.
De fait, une quarantaine de maisons traditionnelles ont été répertoriées et mises en valeur par deux circuits patrimoniaux. Un guide a aussi été produit pour les résidents et les touristes. Le centre du village abrite une Halte du patrimoine – un lieu d’animation et d’éducation au patrimoine local.
Les enfants sont aussi interpellés lorsque des personnes passent dans les classes pour leur expliquer le caractère historique du village. On leur demande ensuite de dessiner trois objets, dont une maison, un bateau et l’église. Une fresque monumentale conçue à partir de leurs dessins fut inaugurée cet été.
Le projet de la municipalité
Malgré les règlements en place, le conseil juge que le site n’est pas suffisamment protégé. Le projet vise donc à préserver les lieux et à baliser son développement. La ville souhaite adopter un règlement qui ferait consensus parmi les propriétaires impliqués. Elle convoque donc la population à une assemblée afin de discuter des modalités et des impacts du classement patrimonial.
Dans l’invitation envoyée aux propriétaires, ils apprennent que les projets de rénovation ou de construction devront être approuvés par un comité. Ils sont aussi informés que les travaux importants sont arrêtés afin qu’ils soient évalués selon la nouvelle application des règlements.
Bien que la majorité se dise d’accord avec la proposition, elle suscite tout de même une opposition assez vive. Dès son annonce, des gens se présentent au conseil municipal et la rencontre publique rassemble 125 personnes avec une cinquantaine de commentaires envoyés à la ville.
L’argumentaire des opposants
Parmi les préoccupations qui reviennent le plus souvent figurent la crainte de longs délais pour les autorisations, la perte de contrôle sur les décisions concernant leur propriété et les couts plus élevés engendrés par le nouveau règlement. D’autres groupes contestent la pertinence de protéger certains lieux notamment le golf du Bic. Ailleurs, une association de résidents juge que son secteur regroupe des chalets qui n’ont aucun intérêt patrimonial ni historique. Les plus réfractaires au projet sont des propriétaires de commerces ou de lieux commerciaux. Selon eux, ils ont déjà assez de contraintes et certains croient que leur site ne se prête pas à la nouvelle règlementation.
Les implications d’un site du patrimoine déclaré
Pour les propriétaires d’un bâtiment dans un site du patrimoine, la situation peut être complexe et même frustrante. Une fois le site déclaré, toutes modifications doivent viser à préserver son cachet et à mettre en valeur les caractéristiques architecturales du secteur. La règle exige qu’une nouvelle composante ou un remplacement reprenne la forme et le caractère architectural d’origine. Pour les lieux commerciaux, d’autres éléments s’appliquent notamment l’enseigne, les rampes d’accès, l’aire de livraison… Cette règle peut s’appliquer partiellement, par exemple, seulement aux façades visibles de la rue ou à l’ensemble des composantes à l’extérieur.
À l’opposé, un site protégé ajoute une plus-value aux bâtiments qu’il abrite et la population est assurée que le site conservera ses marques distinctives et originales — celles qui attirent les visiteurs et qui stimulent leur sentiment d’appartenance.
Prendre le temps de bien faire les choses
Malgré les inquiétudes, dans l’ensemble, la contestation n’est pas radicale. Une pétition éclairante a été remise au conseil pour exiger l’arrêt du projet de règlement et l’implantation d’un processus de consultation plus élaborée.
En voulant écrire le nouveau règlement de concert avec la population, la ville favorise une appropriation citoyenne du patrimoine. Cependant, entre la disponibilité du projet de loi et son adoption, le temps est, selon les opposants, beaucoup trop court pour réagir. Ils n’ont pas complètement tort.
Comme cela se fait ailleurs, une fois le projet de règlement rédigé, la ville peut convoquer une deuxième séance publique afin d’en discuter. Les élus auront ainsi utilisé les principaux outils démocratiques à leur disposition afin de répondre aux besoins de la majorité. Étant l’instance, le conseil pourra ensuite amender et adopter le projet de règlement dans la sérénité.
La suite est attendue le 14 décembre prochain. C’est à suivre.
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