Patrimoine militaire

Le patrimoine militaire apparaît dans la sphère publique en 1994 avec un ouvrage au titre évocateur de patrimoine militaire, et présentant l’histoire et l’évolution des institutions militaires canadiennes. Cependant, l’histoire en soi n’est pas patrimoniale, mais bien un outil servant à le mettre en valeur. Peut-on valoriser un patrimoine dont les limites sont équivoques?

Présence du patrimoine militaire

Canon d’artillerie de la Deuxième Guerre mondiale exposé à la Place du Canada (Montréal)

Canon d’artillerie de la Deuxième Guerre mondiale exposé à la Place du Canada (Montréal)

L’idée d’associer les militaires au patrimoine n’est pas nouvelle. En effet, au lendemain de la Première Guerre mondiale, des régiments collectent des objets en vue de les conserver. Dans la sphère publique, des canons d’artillerie et d’autres sont installés dans les parcs aux côtés de monuments dédiés aux Braves. Plus anciennes, des structures telles que la citadelle à Québec ou le monument aux Héros de la guerre des Boers à Montréal soulignent le passé militaire des lieux.

Les principaux acteurs

Sur le terrain, le gouvernement canadien agit par le biais des forces armées ou d’institutions telles que la Monnaie royale ou Postes Canada. Il y a des musées militaires publics dont celui de la guerre à Ottawa, le Musée naval et celui du Royal 22e Régiment à Québec. Des unités de milice, surtout celles ayant participé à des conflits armés, possèdent aussi un musée. Quelques sociétés s’intéressent à l’histoire militaire locale.

Une diffusion du patrimoine confondante

Les activités de diffusion se sont multipliées depuis une douzaine d’années. Toutefois, leur qualité est inégale. Les experts proposent des projets favorisant l’apprentissage du patrimoine militaire à travers les objets et l’histoire. Ainsi, le Rallye des contreforts, un jeu-questionnaire qui amène les participants en des lieux historiques, est organisé par le Musée naval. En 2008, leur rallye sur le patrimoine militaire de Québec contenait 40 questions. En 2004, une trousse pédagogique d’Héritage Canada présentait de l’information sur divers bâtiments : forts, tours Martello, manèges, stations radars… dont leurs caractéristiques architecturales.

Manège des Fusiliers Mont-Royal (Montréal).  Photo : Jean Gagnon, 2011

Manège des Fusiliers Mont-Royal (Montréal). Photo : Jean Gagnon, 2011

Les initiatives ne sont pas toutes heureuses. En 1998, le Musée canadien de la guerre renonce à son idée d’aménager une salle dédiée à l’holocauste. Ce projet a choqué les associations d’anciens combattants et les experts ne voyaient pas de liens entre les militaires canadiens et le génocide juif. De même, en 2011, la Monnaie royale présente L’autoroute des héros. La pièce frappée illustre des gens tenant un drapeau canadien et un tronçon de route reliant Trenton à Toronto – un trajet obligé pour les soldats tués dans les conflits armés récents. Cependant, la commémoration n’est pas possible puisque ces événements sont d’actualité. En fait, il s’agit de propagande idéologique visant à rallier les Canadiens autour d’un thème commun et à conformer des comportements positifs envers l’État.

Des publics plutôt méfiants

En général, les experts et les publics sont très critiques. De fait, en 2008, les Forces armées annoncent leur participation aux célébrations du 400e de Québec. Elles souhaitent célébrer le passé militaire de la ville et défiler dans les rues de Québec (en uniforme contemporain). Toutefois, devant des menaces de manifestations, l’armée a modifié son trajet et s’est faite plus discrète. En 2012, un milicien obtient des fonds du gouvernement canadien pour présenter un festival culturel militaire à Montréal. Les objectifs sont de sensibiliser les publics au travail et à la vie des militaires (sujet d’actualité et non patrimonial) et de valoriser le patrimoine militaire in situ (statues, bâtiments, etc.). Des groupes ont appelé au boycottage de l’événement et un manifestant a même effectué sur place un die in (faire semblant de mourir).

Monument aux Braves, Sherbrooke (G.W. HIll, 1926) Photo : Libertad-pb, 2011

Monument aux Braves, Sherbrooke.
(G.W. HIll, 1926)
Photo : Libertad-pb, 2011

La même année, le gouvernement canadien souligne, avec de grands moyens, la guerre de 1812. Rapidement, les historiens affirment que cette commémoration est artificielle et qu’il y a une instrumentalisation de l’histoire. Du côté des publics, les critiques sont vives lors du bal des neiges à Ottawa alors que de jeunes enfants sont initiés à la manipulation de répliques d’armes d’époque au cours d’une activité liée à cette guerre.

Dans l’ensemble, le gouvernement canadien est l’instigateur le plus important de projets valorisant le « patrimoine militaire ». Dans ses nombreuses communications, il utilise ce terme comme un fourre-tout conceptuel tant pour des commémorations, des ouvrages historiques ou des activités publiques sans lien avec le patrimoine. Toutefois, ces quelques cas révèlent que les publics peuvent distinguer les activités patrimoniales de la propagande même si les instigateurs assurent proposer des activités éducatives. Ils montrent aussi l’importance pour les organisateurs d’offrir des projets axés sur les objets militaires historiques, matériels et intangibles.

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