MISE À JOUR : Un article publié dans The Gazette qui révèle tous les enjeux liés au domaine des Pères et qui n’ont rien à voir avec le patrimoine (en anglais).
Patrimoine religieux
En 2012, la Congrégation des Pères de Sainte-Croix décide de mettre en vente son domaine situé dans la municipalité de Lac-Simon en Outaouais. Une pétition est aussitôt lancée avec l’objectif de sauvegarder les lieux. Ce cas met en lumière une mobilisation de réaction qui demeure à la traine des décisions prises par les propriétaires. À quel moment une communauté doit-elle prendre en main son patrimoine?
Le Domaine des Pères de Sainte-Croix
Le domaine, lieu de ressourcement des Pères, abrite une chapelle, une résidence d’été, un milieu humide diversifié et un cimetière où reposent les colons fondateurs du lieu. D’autres éléments d’intérêt comprennent une tour chapelle, une croix de chemin, un calvaire et des bâtiments secondaires. La superficie est de 48 acres et sa valeur marchande se situe à trois millions de dollars.
Le projet des Pères
En 2012, devant une trentaine de personnes, les religieux expliquent les motifs de leur décision : ils sont à peine une dizaine, avec une moyenne d’âge de 78 ans; un investissement trop important pour leurs moyens est nécessaire pour rendre les bâtiments aux normes et ils ont besoin de fond pour assurer leur fin de vie et financer leurs œuvres. Selon eux, les bâtiments seront conservés tandis que le reste du domaine serait morcelé afin d’y construire jusqu’à 14 résidences unifamiliales.
Protection légale
Un regroupement de citoyens se mobilise. Leurs efforts génèrent des consultations publiques tenues en décembre 2012. Devant 35 personnes – une mobilisation citoyenne plutôt faible qui représente 3,5 % de la population locale, le conseil municipal affirme qu’avec son projet de citation, seul ce dernier pourra autoriser le lotissement et le réaménagement du terrain, la démolition, les modifications et l’érection de nouveaux édifices. Cependant, l’énoncé dans le Répertoire des biens culturels du Québec ne mentionne pas les terrains ni même une aire de protection.
Pour sa part, le regroupement envoie une demande de classement au MCCQ pour l’ensemble du site. Selon sa porte-parole, les élus de petites localités n’ont pas les ressources ni l’expertise pour faire des choix éclairés. Une fois le bien classé, les décisions seraient prises au ministère qui dispose entre autres d’un comité d’experts en patrimoine (Info07, 26 juillet 2013).
D’autres voix s’expriment
Le regroupement n’est pas au bout de ses peines. La Première Nation Anishinabek exige d’être consultée. Selon elle, les Autochtones locaux n’ont pas été informés du projet ni même invités lors des consultations. Pour eux, il faut inclure davantage les croyances et les pratiques autochtones dans les enjeux. Le MCCQ rejette la demande de classement.
Nouveaux propriétaires
Le site est vendu en janvier 2014. Le regroupement aurait fait, sans succès, une offre d’achat pour un montant équivalent à 65 % de la valeur marchande. Pour sa porte-parole : « c’est désolant qu’on n’ait pas voulu accorder plus de temps et d’intérêt au regroupement de citoyens qui avait un projet pour ce domaine. En bout de ligne, ce qui a pesé dans la balance, ce sont les intérêts pécuniaires. Je pense qu’ils avaient un devoir moral d’accorder une plus grande considération à nos projets (Le Droit, 9 janvier 2014) ».
Morcellement du site
En mai, une superficie d’environ 5,5 acres est mise en vente. Le maire confirme que la vente respecte la réglementation en matière d’urbanisme (et non dans le cadre du règlement de citation). D’ailleurs, il souligne que ces terrains ne touchent pas les bâtiments patrimoniaux.
De son côté, le promoteur confirme que les actes d’achat seront entérinés seulement avec l’aval du conseil municipal. Malgré ces assurances, le regroupement soumet la candidature du Domaine à Héritage Canada qui l’inscrit dans son palmarès des 10 sites les plus menacés au Canada. Et, elle procède à une deuxième demande de classement qui est à nouveau refusée.
Tout indique que le morcellement – jusqu’à environ 30% de la superficie selon les plans originaux, ira de l’avant. La nouvelle vocation des lieux est à venir.
Le devoir moral
Le cas du domaine soulève quelques questions. En présumant que les Pères de Sainte-Croix ont payé des taxes et entretenu les lieux à leur frais, la congrégation a-t-elle un devoir moral envers la localité? Pour sa part, lorsque cette dernière n’a pas ou peu participé à l’essor d’un site, a-t-elle un droit moral de se l’approprier au moyen d’un classement, même d’une citation? Les Pères devaient-ils vendre au rabais tel que le suggère l’offre du regroupement?
La baisse des effectifs dans les communautés religieuses, le vieillissement de leurs membres et, pour la majorité, leur disparition à court terme sont annoncés depuis une dizaine d’années. Au crépuscule de leur fin de vie, lorsque des congrégations ont besoin plus que jamais d’argent pour assurer les soins de leurs membres dans la dignité et la poursuite de leurs œuvres, la société québécoise a-t-elle de droit d’exiger que les religieux leur remettre leurs biens sans une juste compensation à la hauteur de leur valeur marchande?
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