Diffusion du patrimoine

Mélanie et Philippe lors de la soirée inaugurale.
Photographe : Guy Charpentier, 2018

En Nouvelle-Acadie dans Lanaudière, Philippe Jetté est chercheur, musicien, chanteur et médiateur, il se distingue par sa volonté d’assurer la pérennité du patrimoine vivant de sa région. Pour sa part, Mélanie Boucher est une porteuse de la tradition orale c’est-à-dire qu’elle a reçu de son grand-père un legs culturel chanté qu’elle transmet à la prochaine génération. À eux deux, ils redynamisent le concept de la recherche-action, dont une forme des plus novatrices s’incarne dans leur projet Chansons et réflexions intimes, dans un salon ouvert!

L’importance de la recherche-action en patrimoine n’est plus à démontrer. Il y a d’abord un chercheur-médiateur qui recueille de l’information auprès de porteurs de tradition. Il met ensuite de l’ordre dans ses notes. Une activité d’interaction entre le porteur de tradition et son groupe culturel est organisée. Le médiateur qui l’accompagne communique ses notes tandis que le porteur transmet ses connaissances à la communauté[1]. L’activité a lieu dans un endroit public.

Chansons et réflexions intimes, dans un salon ouvert!

À l’origine du projet Chansons et réflexions intimes, dans un salon ouvert!, il y a une soirée au salon où le couple discute de médiation. Mélanie annonce qu’elle souhaite réaliser un projet sur la chanson avec Philippe. Elle aimerait aussi partager ses perceptions et sa vision sur l’histoire des chansons. Le synopsis du concept a émergé soudainement : il reposera sur la relation de Mélanie avec son grand-père, et le répertoire familial de chansons qu’elle a reçu.

Concept et exécution du projet

Mélanie et Laura, chanson en dialogue mère-fille
Photographe : Marie-Joanne Boucher, 2018

L’activité se présente comme une œuvre théâtrale avec des dialogues et des chansons mis en scène. La soirée débute avec deux amoureux au salon pour chanter et pour livrer leur répertoire et leurs réflexions sur l’usage du chant traditionnel. L’assistance entre tranquillement dans leur univers. Puis, le public est interpellé par une question. Les gens deviennent alors des participants de la pièce en veillant avec eux au salon, en chantant et en communiquant leur patrimoine chanté, leur vision et leurs solutions pour la continuité de la pratique. Au fil des échanges, la soirée se métamorphose en veillée traditionnelle festive où les citoyens vivent une expérience sociale vraisemblable.

Pour l’exécution du projet, ils souhaitent d’abord explorer la vie familiale de la chanson traditionnelle et sensibiliser la collectivité lanaudoise à cette réalité culturelle de la sphère privée. Lors de leurs rencontres avec les familles-informatrices, ils recueillent sur support vidéo et audio leur répertoire, leur pratique et leurs réflexions. Par la suite, Philippe et Mélanie préparent les activités de médiation : la version exploratoire publique sera le moment pour eux de remettent à la population locale le fruit de leur collecte tandis que la version famille sera plus intime et propice à l’échange.

En raison du caractère interactif de l’activité, la préparation fut importante afin de favoriser la participation. Les réflexions portent sur la pratique du chant, la transmission, les contextes de la pratique, l’histoire et les aspects sociologiques. Le duo aborde également le récit et la portée sociale des chansons. Lors de la soirée inaugurale, les commentaires élogieux des participants attestent du succès de la démarche. « On voit parfois des gens pleurer pendant une chanson », affirme Mélanie lors de notre entretien.

Les soirées dans les salons privés ont obtenu un succès tout aussi important. Pour être choisies, les familles hôtes devaient avoir un réseau minimal d’une vingtaine de personnes pouvant se tenir à l’aise dans leur salon. Signe de la renommée du duo, une famille s’est proposée avec succès… en empruntant le salon de leurs amis.

Un engagement solide des élus envers le patrimoine

Reportage sur le projet (cliquer sur l’image)  
Émission Info-région diffusée le 6 décembre 2017.

Ce projet parmi des dizaines d’autres atteste que la tradition orale est bien vivante en Nouvelle-Acadie et dans Lanaudière. Au fil de leurs projets, tous les groupes d’âge ont été ciblés avec succès. Cette réussite assez unique tient certes en partie à l’originalité de leurs idées, mais aussi à la volonté des élus et des institutions d’y consacrer les moyens financiers pour pérenniser le patrimoine vivant de la localité. Cette vision concertée a un impact des plus positifs parmi les familles de la Nouvelle-Acadie et dans la région. Philippe conclut : « Les traditions nous permettent de développer une identité, une appartenance au territoire et à la communauté. Ça consolide les liens entre les générations tout autant qu’entre concitoyens. La tradition, c’est ce qui rassemble en permettant le partage, en gardant les liens et les gens vivants. Même ceux qui n’y sont plus…[2] ».

Ce billet est un extrait édité d’un article à paraître dans la revue Rabaska de la Société québécoise d’ethnologie, dont le lancement est prévu en octobre 2020.


[1] Jean Simard, « Recherche-action pour trouver un avenir au patrimoine religieux », Ethnologies francophones de l’Amérique et d’ailleurs, Presses de l’Université Laval, 1997, p. 316.

[2] Isabelle Crépeau, « Mélanie Boucher et Philippe Jetté : pondre dans la r’mise », Lurelu, vol. 42, n3, hiver 2020, p. 74. 

 

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