Mise à jour : Le projet controversé du 22, rue Principale dans le Vieux-Aylmer va de l’avant    (13 mars 2018)

 

Enjeux du patrimoine

À Gatineau, dans le secteur de Vieux-Aylmer, un projet immobilier subit les humeurs patrimoniales tant d’opposants que du conseil municipal. Le cas du 22, rue Principale montre comment des visions divergentes du patrimoine peuvent mener à une impasse.

Deuxième version du projet

Deuxième version du projet

Le 22, rue Principale

En 2014, un promoteur achète un terrain vacant situé sur la rue Principale afin d’y construire un immeuble comprenant 18 copropriétés et un espace commercial au rez-de-chaussée.

Le site projeté se situe à 152 mètres de l’auberge Symmes, berceau de l’ancienne municipalité et protégé par le gouvernement du Québec. L’auberge jouit d’une aire de protection qui oblige le promoteur à faire approuver ses plans par le ministère Culture et Communications (MCC) avant le début des travaux.

La rue Principale abrite plusieurs maisons anciennes bien préservées. Toutefois, sa cohérence visuelle n’est pas très élevée avec plusieurs bâtiments ayant perdu leur cachet historique et des maisons en rangées derrière l’auberge.

Une première séance publique

En 2015, après des démarches auprès de la ville pour valider le projet selon la règlementation en vigueur, notamment les usages permis, le promoteur organise une séance publique afin de présenter son projet. Situé sur la marge de la rue, l’édifice de facture contemporaine comporte cinq étages.

Des voix s’opposent. Cette première mouture suscite des commentaires négatifs. Plusieurs croient que le projet ne respecte pas le règlement. Pour certains, l’édifice est trop volumineux. Pour d’autres, ses formes modernes sont en rupture avec le cadre patrimonial du lieu.

Au vu de terrains vacants à proximité, des gens craignent que le secteur stagne sans la construction d’unités résidentielles, et d’autres, que le projet initie un mouvement de constructions désordonnées.

Musée de l'Auberge Symmes

Musée de l’Auberge Symmes

Une deuxième séance publique

L’architecte modifie les plans. La fondation plus profonde amène l’entrée au niveau de la rue. Les nouveaux plans intègrent des améliorations demandées lors de la séance publique. Le promoteur convoque une deuxième rencontre publique.

Les opposants demeurent en désaccord. La  deuxième version ne leur semble pas respecter les normes d’insertion patrimoniale du PIIA pour le secteur[1]. Selon eux, les maisons patrimoniales à proximité seraient la référence d’intégration. Pourtant, un bâtiment aux allures assez similaires aux plans est construit à peine 50 mètres plus loin.

Le débat dérape

En octobre 2016, avant le dépôt d’une troisième version, le débat dérape lorsque le conseiller municipal qui préside le comité de consultation d’urbanisme (CCU) de la ville s’oppose publiquement au projet, sans l’avoir vu, et réitère sa vision du patrimoine qui lui ferait accepter le projet[2] ». Les opposants s’en prennent aussi à une conseillère, dont des membres de sa famille possèdent des terrains dans le secteur. Ces agressions publiques mettent fin au dialogue pourtant bien amorcé.

Le projet est déposé à la ville. Des élections ont lieu à l’automne 2017. Un nouveau conseiller devient président du CCU.

Version présentée en février 2018

Version présentée en février 2018

Présentation au conseil municipal

Le projet est présenté au conseil municipal en février 2018. La nouvelle version comporte un gabarit plus modeste, un nombre d’appartements réduit et une ornementation moins imposante.

Le CCU se dit en accord avec le projet et le recommande au conseil. Les longs délais entre le dépôt du projet et sa présentation au conseil (17 mois) suggèrent que le promoteur a aussi présenté son projet au MCC.

Ce qui suit relève de l’absurdité. Tout d’abord, on avait demandé au promoteur que l’édifice soit aligné avec les bâtiments de proximité. Cependant, le conseil refuse d’entériner la dérogation mineure que leur demande exige. Quant aux opposants, ils reviennent à la charge avec les mêmes arguments et un peu de mauvaise foi en prétendant n’avoir pas pu exprimer clairement leur pensée. On polarise le débat en affirmant que le conseil devra choisir entre les citoyens et les promoteurs.

La suite…

La nouvelle conseillère municipale responsable du lieu suggère de préparer un plan particulier d’urbanisme pour le secteur. L’idée n’est pas mauvaise, mais elle demeure ouverte aux contestations de toutes sortes puisqu’il existe des bâtiments dans le secteur qui peuvent servir de contre-exemples. Par ailleurs, si les plans ont été approuvés par les spécialistes du MCC, le conseil municipal n’entache-t-il pas sa crédibilité tant auprès des citoyens que des promoteurs?

Ce cas montre que peu importe les efforts consentis pour satisfaire les demandes, ce ne sera jamais assez. Cette vision étroite ralentit et même peut empêcher une ville de se revitaliser. Parfois, elle mène à leur déclin.

 


[1] Plan d’intégration et d’implantation architecturale : ce plan précise des modalités particulières pour l’obtention de permis de construction.

[2] Le Droit, 13 octobre 2016, cahier actualités, p. 5.

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