Patrimoine religieux
Le 15 novembre dernier, le ministre de la Culture et des Communications du Québec a signé un avis d’intention de classement pour la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours en vertu de la loi sur le patrimoine culturel. Cet avis est l’aboutissement d’un travail de longue haleine visant à faire reconnaitre la valeur patrimoniale des lieux. Quelles sont les raisons qui font attendre le classement d’un monument dont la valeur patrimoniale est indéniable?
Historique de la chapelle
Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la première école à Montréal, projette dès 1655 de construire une église devant servir au pèlerinage. Érigée en 1678, la chapelle est à l’extérieur des murs de la ville, vers l’est. Il s’agit de la première église en pierre sur l’ile de Montréal. Le monument est incendié en 1754 et la deuxième chapelle ouvre en 1771. Le campanile est ajouté de 1886 à 1910. Au cours des années, des modifications sont faites au gout du jour, et des époques.
Des rénovations intérieures commencent en 1995 lorsqu’une partie des décorations, effectuées vers 1910, commencent à se détacher. On découvre alors, en très bon état, la décoration d’origine, peinte entre 1886 et 1890.
Cette situation favorise la création du musée Marguerite-Bourgeoys devant mettre en valeur la chapelle et l’histoire de son instigatrice. La Congrégation Notre-Dame assure le financement et s’occupe de la gestion et de la mise en valeur des lieux tandis que les Sulpiciens, anciens seigneurs de l’ile, en sont les propriétaires.
Les recherches
Au fil des années, les religieuses poursuivent des recherches sur le site. Des fouilles archéologiques en 1996 mettent au jour plus de 5 000 artéfacts sur des strates remontant jusqu’à 2 400 ans. On a ainsi retrouvé intactes, les fondations de la chapelle originale disparue en 1754. Une seconde phase de fouille débute en 2005.
Des recherches ont aussi été entreprises afin de remettre en perspective la géographie urbaine des lieux lors de la construction. Il s’agit de repérer des archives iconographiques et manuscrites décrivant la chapelle. Ces derniers sont devenus rarissimes depuis l’incendie de la maison mère en 1893.
Mises en valeur contemporaines
Outre l’ouverture du musée, de nombreuses actions ont été mises en place afin de valoriser la chapelle et la crypte. En 2003, l’institution inaugure son éclairage extérieur. Le plan lumière crée une ambiance unique et chaleureuse autour de la chapelle. Le site des fouilles archéologiques devient accessible pour de petits groupes. Enfin, deux circuits d’interprétation audioguidés sont offerts depuis peu aux visiteurs autonomes.
Un lieu de rassemblement
La chapelle est un lieu de rassemblement qui s’est adapté aux aléas des époques. Au départ, toute la communauté s’investit dans la construction de la première église notamment en transportant les pierres à l’extérieur du village vers le lieu d’érection. Entre 1817 et 1830, la chapelle a accueilli les militaires et les familles anglophones catholiques pour y célébrer le culte.
En 1847, les pèlerinages reprennent à la chapelle à la suite des épidémies de typhus. L’année suivante, une statue de la Vierge Marie, tournée vers le port de Montréal, devient le symbole de la protection des marins. En 1870, des zouaves pontificaux canadiens, revenant de Rome, sont aux prises avec une tempête terrible. Outre un pèlerinage à l’église, ils initient une nouvelle pratique en installant une réplique de leur navire en guise d’exvoto.
Patrimonialisation
L’engagement citoyen envers la conservation de la chapelle persiste depuis plus de 250 ans. Ainsi, à la suite de l’incendie de 1754, la reconstruction de l’église stagne. Les militaires anglais veulent s’emparer des lieux pour leurs besoins. La crainte de perdre le terrain amène les gens à se regrouper pour reconstruire l’église. En 1882, le conseil municipal décide d’exproprier la chapelle pour permettre au chemin de fer Canadien Pacifique de construire une gare de marchandises. C’est par l’entremise des journaux locaux que les notables, surtout des Anglophones, s’opposent à la destruction de l’église. Dans leurs arguments, ils soulignent son importance historique du point de vue de sa construction et son association avec une personne liée à la fondation de Montréal de même que sa contribution à l’économie montréalaise grâce au tourisme. On remarque aussi son style ancien qui constitue un élément architectural distinctif pour Montréal. En 1929, la Commission des monuments historiques de la Province de Québec (aujourd’hui : Conseil du patrimoine culturel du Québec) recommande, sans succès, le classement de la chapelle. En 1964, elle fait partie de l’arrondissement historique du Vieux-Montréal. L’intention de classement est signifiée en 2013.
Dans l’ensemble, la patrimonialisation de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours est exemplaire tout comme l’engagement des gestionnaires et des propriétaires envers le patrimoine. Pourquoi le classement a-t-il tant tardé à se concrétiser? Peut-être parce que, justement, le monument est entre bonnes mains.
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