ARTICLE COMPLÉMENTAIRE (14 septembre 2015) : Cet article dans La Presse relate une énième poursuite judiciaire et les frais associés à l’immobilisme.
MISE À JOUR (24 février 2015) : Selon cet article dans Le Devoir, la ville de Montréal pourrait invalider un règlement qui autorisait un usage résidentiel des lieux. Certains croient que cette situation pourrait mener au retour de sa vocation institutionnelle notamment par des logements pour étudiants. Toutefois, l’Université de Montréal n’est pas intéressée.
MISE À JOUR (29 aout 2014) : Lettre d’opinion dans Le Devoir. L’auteur propose un moyen de conserver le bâtiment qui mérite une réflexion.
Patrimoine religieux
Récemment, la Cour suprême du Canada a rejeté la requête d’un regroupement s’opposant à un changement de zonage pour un ancien couvent patrimonial situé au 1420 Mont-Royal à Montréal, dans l’arrondissement d’Outremont. Ce cas illustre des changements qui se sont introduits dans les pratiques lors de la vente de biens patrimoniaux.
Le bâtiment
L’ancien couvent a été construit en 1924. Il s’agit d’un immeuble de style beaux-arts comprenant une magnifique chapelle qui s’étend sur trois étages. Plusieurs œuvres d’art décorent l’ensemble, dont une verrière de l’artiste réputé Guido Nincheri. Le bâtiment n’est pas classé ni cité. Il jouit tout de même d’une protection légale puisqu’il est situé à la limite du parc historique et naturel du mont Royal, sur le flanc nord de la montagne, à proximité d’un boisé.
Historique de la situation
En 2003, la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie décide de quitter leur couvent. L’Université de Montréal acquiert l’édifice et compte y installer des locaux de recherche et d’enseignement. La décision de vendre à l’Université a reposé en partie sur une entente verbale voulant que la vocation d’enseignement du couvent soit maintenue. Imprudente, la Congrégation n’avait pas jugé utile d’inscrire cette clause dans l’acte de vente.
Le nouveau propriétaire est rapidement confronté à des couts de restauration trop élevés pour ses moyens. En 2007, l’Université met l’édifice en vente. L’année suivante, le bâtiment est acquis par un promoteur. Des opposants créent le Rassemblement pour la sauvegarde du 1420 Mont-Royal.
Les démarches du Rassemblement pour la sauvegarde
Au départ, l’opposition lance une pétition et obtient près de 2 250 signatures de citoyens. Des textes sont aussi publiés dans les grands quotidiens pour dénoncer la situation. Compte tenu de leur visibilité dans les journaux, le succès de la pétition est relativement peu élevé.
L’Office de consultation publique de Montréal tient des audiences et un nombre important de citoyens – plus de 200 – assistent à la rencontre. Le promoteur présente son projet de développement et les éléments patrimoniaux qu’il compte intégrer au lieu. Transformé, le site offrira 135 unités de logements. Des opposants s’expriment et des mémoires sont aussi déposés. En fin de compte, l’Office préconise que le site conserve une vocation institutionnelle tout en confirmant que le projet du promoteur est recevable parce qu’il respecte les objectifs du Plan de protection et de mise en valeur du mont Royal et de la Politique du patrimoine de la Ville de Montréal. Une série de demandes est jointe au rapport. Le promoteur accueille positivement le document et s’engage à les inclure dans son projet. La Ville de Montréal procède à un changement de zonage.
Insatisfait, le Rassemblement pour la sauvegarde utilise un autre recours pour empêcher la conversion du couvent. Ainsi, il recueille 278 signatures exigeant la tenue d’un référendum sur le sujet. Ces chiffres représentent plus de 13 % des citoyens pouvant demander un vote. Ce résultat dépasse le taux de participation citoyenne habituel, mais demeure somme toute peu élevé dans son ensemble. Selon les règles, le nombre de signatures requis était suffisant pour exiger le référendum. Toutefois, la Ville demeure l’instance et refuse de tenir le scrutin.
Pour forcer la Ville à organiser un suffrage, les opposants mobilisent, sans succès, le système judiciaire. Tour à tour, leur requête est refusée par la Cour supérieure, la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême.
Entretemps, la vente conclue entre le promoteur et l’Université est annulée.
Les pratiques changent
Depuis la vente initiale du couvent, des pratiques se mettent peu à peu en place. Ainsi la clause du maintien de la vocation d’un lieu est souvent inscrite dans le contrat de vente d’un bien religieux à des groupes sociaux et à des institutions. De même, à la suite de dérives immobilières récentes dans le milieu universitaire, leurs projets similaires sont maintenant balisés.
Par ailleurs, ce cas révèle un groupe de citoyens opposants bien organisé, au fait de tous les recours possibles et assez à l’aise financièrement pour les utiliser. Plusieurs ressources et tous les paliers du système judiciaire ont été mobilisés sans que soient apportés de nouveaux éléments au dossier, ou si peu. La Ville détient clairement l’autorité pour effectuer des changements de zonage. C’est ce que tous les tribunaux ont reconnu. La situation du 1420 Mont-Royal met au jour les frontières poreuses où la défense du patrimoine se confond à de l’acharnement patrimonial.
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