JJardin-potager de la noblesse du XVIIIe siècle. Lieu : Château de Ramezay, Montréal, 2015

Jardin-potager de la noblesse au XVIIIe siècle.
Lieu : Château de Ramezay, Montréal, 2015

Patrimoine végétal

Les taches de couleur qui percent la neige ces jours-ci rappellent que le temps est venu de planifier le jardin d’été. Un petit groupe de jardiniers amateurs s’intéresse à la culture de variétés patrimoniales. Parmi eux, certains produisent des semences d’espèces de fleurs, de légumes et d’herbes médicinales rares et oubliés dans le but de sauvegarder ce patrimoine génétique.

Les semences patrimoniales

Ces semences se composent de plantes anciennes, sans croisement naturel ou artificiel, avec d’autres variétés de la même famille. La majorité des espèces sont dotées de gènes uniques qui disparaissent à jamais lorsque la plante s’éteint. Depuis un siècle, on estime que près de 90 pour cent des variétés existant avant l’agriculture mécanisée ont disparu. Outre leur rareté, ces plantes doivent produire des semences qu’on peut replanter. Souvent, lorsque le jardinier amateur souhaite cultiver une espèce rare, il obtient au départ un à trois tubercules ou graines. Les premières plantations servent donc à produire d’autres semences et il peut s’écouler quelques années avant que le jardinier goute son produit à satiété.

Des noms originaux

Pittoresques, les noms de plantes s’inspirent de leur lieu d’origine, du producteur ou d’une caractéristique physique. On retrouve ainsi des pommes de terre crottes d’ours de Kamouraska, des haricots Petit soldat de la Beauce, des concombres Tante Alice, des fèves-pois de Lotbinière, des navets de la famille Fortin de Cap-Saint-Ignace, du blé Huron de 1888, des tomates Mémé de Beauce,  des melons d’Oka et bien d’autres.

Des variétés impossibles à trouver en magasin

En Amérique du Nord, les variétés disparaissent par centaine chaque année sans que personne ne puisse intervenir. Pour diverses raisons – la plupart économiques, les espèces patrimoniales ne sont pas brevetées par les multinationales qui contrôlent 80 % des semences mondiales. C’est ce qui explique qu’un nombre marginal de variétés se retrouve dans les supermarchés où, par exemple, l’on propose une dizaine d’espèces de pommes de terre sur les quelques 150 genres homologués au Canada et une quinzaine de types de pommes sur les 250 variétés adaptées à notre climat.

L’apport de la recherche

Des melons de Montréal Photo : Institut Fraser-Hickson, 1925

Des melons de Montréal
Photo : Institut Fraser-Hickson, 1925

Disparu vers 1950, le cas du melon de Montréal met en lumière l’importance de la recherche. En 1996, on découvre aux États-Unis des semences du célèbre melon de Montréal. Des cultivateurs le lance rapidement en production. Mais, des doutes apparaissent tout aussi vite. La trouvaille d’une photographie ancienne montre que les melons contemporains sont beaucoup plus petits que ceux d’origine et qu’ils ont perdu leur forme aplatie ou de ballon de football. D’autres recherches dans les magazines anciens soulignent son gout sucré et épicé. Enfin, une nouvelle requête chez le fournisseur américain révèle l’existence d’une note qui confirme que les graines appartiennent à une autre espèce que la variété originale.

Le melon de Montréal a donc disparu. Toutefois, sa généalogie repose sur les archives et les descriptions des anciens et non pas sur un code génétique. Il s’ensuit qu’un semencier peut tenter par croisement de produire une espèce similaire au melon original. Jusqu’à 25 années seraient nécessaires pour y arriver.

Le Programme semencier du patrimoine

Le Programme semencier du patrimoine regroupe environ 4 000 personnes qui se consacrent à la protection des plantes rares. Leur mission consiste à faire de la recherche et à sauvegarder le patrimoine génétique des plantes cultivées. Les membres du groupe peuvent commander des graines patrimoniales offertes dans un catalogue par les semenciers bénévoles du groupe.

L’un des événements forts des semenciers et jardiniers traditionnels est leur participation à une fête des semences sous la gouverne du Programme semencier. La rencontre permet aux participants de se procurer des semences rares ou anciennes, souvent biologiques. Et surtout d’échanger avec les semenciers dans une atmosphère conviviale.

Une dizaine de rencontres se tiennent au Québec chaque année. Comme le but est de perpétuer les semences patrimoniales, la majorité des semenciers les donnent à la condition que les bénéficiaires en transmettent à leur tour au moins à trois autres jardiniers.

Du patrimoine dans votre assiette

Variétés patrimoniales. Photo : Les Jardins de l'Écoumène, artisan semencier

Variétés patrimoniales.
Photo : Les Jardins de l’Écoumène, artisan semencier

L’intérêt croissant pour le maintien de la diversité biologique a amené des horticulteurs à exploiter à plus grande échelle – mais toujours modeste, la culture de plantes patrimoniales qu’ils offrent sur les lieux ou dans les épiceries locales. C’est une autre façon pour les publics de contribuer à la conservation de variétés en péril. Ce genre d’exploitation existe dans toutes les régions du Québec.

Une conservation du patrimoine pour tous les gouts

Le jardinage traditionnel et les semences patrimoniales montrent qu’il existe du patrimoine pour tous les gouts. Dans ce milieu dynamique, le patrimoine végétal possède ses caractéristiques telles que la rareté, l’absence de croisement et la capacité d’être replanté. Les porteurs de tradition ont instauré des règles, dont l’échange et le partage de semences. En fin de compte, c’est un patrimoine accessible à un très large public qui peut s’y adonner ne serait-ce qu’en semant des fleurs ou des herbes rares sur son parterre.

One Response to Le semencier du patrimoine :

gardien des espèces végétales en danger

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