Église Sainte-Anne (1855).  Photo : CPRQ, 2003

Église Sainte-Anne (1855).
Photo : CPRQ, 2003

Patrimoine religieux

Récemment, l’évêque du diocèse de Trois-Rivières a causé tout un émoi en suggérant un moratoire sur la restauration des églises. Que faire quand la valeur patrimoniale d’un monument n’a aucune importance pour le propriétaire?

Un territoire vaste et des ressources limitées

Le diocèse comprend 86 lieux de culte répartis dans 62 paroisses et cinq dessertes. Il ne reste que 33 prêtres au service des citoyens et leur moyenne d’âge est de 72 ans. Confronté à un manque criant de moyens, l’évêque constate que les frais d’entretien des monuments sont énormes et mobilisent trop de ressources.

Dans le sillage du pape François, l’évêque rappelle que la communauté catholique doit en priorité se tourner vers Dieu. Cet objectif l’amène à percevoir les églises comme un lieu de travail où l’édifice doit d’abord servir à aider son prochain. Le chef religieux se dit prêt à regrouper les fidèles en quelques endroits et à mettre en jeu l’avenir des monuments existants, même ceux dont la valeur patrimoniale est reconnue et qui ont été rénovés.

Déjà, des paroisses emboitent le pas. Ainsi, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, la Fabrique vient de statuer qu’elle procèdera seulement aux réparations urgentes de leur église, un site incontournable selon le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ).

Perceptions diversifiées des églises

L’évêque perçoit les églises comme un endroit utile à la pastorale et qui lui permet d’accomplir sa mission ecclésiale. Cette vocation peut s’incarner ailleurs… les pierres ne sont que des pierres. Dans la communauté, d’autres appréhensions se révèlent.

À Sainte-Anne-de-la-Pérade, le maire a aussi une vision utilitaire de l’église, mais liée à des enjeux économiques. Selon l’élu, le monument imposant de style néogothique est la marque de commerce du lieu. L’édifice est vu de l’autoroute et sa crypte attire les touristes. Il se dit prêt à discuter avec une association commerciale locale, et la fabrique, pour assurer la pérennité du bâtiment, du moins l’essentiel.

À Saint-Prosper-de-Champlain, la petite église, qualifiée d’exceptionnelle par le CPRQ, est encore chauffée au bois. Le maire mise sur la valeur patrimoniale du monument. Il souligne que cette construction est le cœur de la paroisse et qu’elle donne un sentiment d’appartenance à ceux qui habitent la localité. D’une approche plus inclusive, les élus ont envoyé une lettre aux citoyens concernant les décisions à prendre pour la future vocation du site.

Enfin, l’organisme Patrimoine Trois-Rivières se dit préoccupé par le désengagement de l’évêque. Il rappelle que dans les villages, l’emplacement de l’église illustre comment s’est construit le lieu. Pour l’instant, le groupe observe la situation sans être proactif.

Une vision modérée

D’autres voix appuient le chef tout en étant sensibles à la valeur patrimoniale de bâtiments. Ainsi, dans les cas de fermeture, elles préconisent que les monuments qui ont une histoire ou des formes inusitées doivent être conservés. Mais, avec de nouveaux propriétaires et un changement de vocation. Quant aux pratiquants, sans s’accrocher à leurs bancs d’église, ils peuvent se mobiliser pour orienter la seconde vie de leur lieu de culte.

Des liens invisibles

Église Saint-Prosper (1848-1850). Photo : CPRQ, 2003

Église Saint-Prosper (1848-1850).
Photo : CPRQ, 2003

La proposition de l’évêque bouscule la manière d’être des paroissiens et ne tient pas compte des réalités du terrain. De fait, des recherches montrent que les objets ont de l’ascendance sur la perception que les gens ont d’eux-mêmes en marquant par exemple leur place dans un groupe ou dans leur façon de socialiser. En se fondant dans l’environnement de proximité, ces liens deviennent invisibles. Ils réapparaissent lorsque les objets qui personnifient cette relation sont confrontés à un danger comme une menace de destruction. Dans le cas d’une église, les souvenirs resurgissent : c’est l’endroit où un couple s’est marié et y a fait baptiser leurs enfants, un autre y a servi la messe, des jeunes y ont eu leurs premiers contacts avec l’art…

Dans l’ensemble, les églises patrimoniales du diocèse de Trois-Rivières se retrouvent dans une situation délicate où leur pérennisation est fragilisée par l’indifférence du chef religieux local. Par ailleurs, ces monuments sont sous la gouverne des fabriques et, selon les informations disponibles, des élus municipaux, des associations et des groupes de citoyens se préparent à faire face au défi.

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