Jardin Notman Photo : Roger Latour, 2013

Jardin Notman
Photo : Roger Latour, 2013

Patrimoine végétal

En décembre dernier, à Montréal, l’arrondissement du Plateau Mont-Royal a procédé à une demande de classement en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel pour un boisé en milieu urbain – le jardin Notman. À ce jour, peu de gestes ont été posés pour assurer concrètement la sauvegarde du jardin, notamment auprès de la ville centre. La demande de classement semble prématurée. De fait, la requête laisse entendre que le classement d’un immeuble ou d’un objet serait une panacée patrimoniale. À quel moment doit-on intervenir auprès des représentants du gouvernement dans les enjeux patrimoniaux?

Le jardin Notman

Le boisé est situé à l’angle des rues Clark et Milton, derrière la maison Notman, immeuble patrimonial classé en 1979. Une partie du boisé est intégrée dans une aire de protection. Sa superficie est d’environ 1 000 m2 et l’espace abrite des arbres centenaires dont des érables argentés et des chicots du Canada, rares en milieu urbain. Abandonnés depuis une vingtaine d’années, les lieux sont en friche. Le jardin appartient à un promoteur qui souhaite l’exploiter. Il n’est pas accessible au public.

Mobilisation citoyenne d’ensemble plutôt tiède

Depuis au moins 2001, des citoyens se mobilisent pour empêcher l’abattage des arbres. À cette époque, un projet de construction exigeant un changement de zonage fut empêché. Un autre fut soumis en 2004, mais il est demeuré sans suite. Plus sérieux, un troisième, répondant à tous les critères d’urbanisme, a été soumis en 2013. Le site n’étant pas protégé, ou si peu, au terme de la Loi, le promoteur pourrait procéder. Toutefois, il attend toujours l’aval de l’arrondissement.

Pour empêcher la destruction du boisé, des citoyens se sont regroupés sous l’appellation Mouvement citoyen pour la préservation du Jardin Notman.  Le Mouvement citoyen a créé un site internet et une page Facebook pour expliquer ses demandes et informer la population. Il a également lancé une pétition qui a recueilli à peine 750 noms représentant moins de 1% de la population du Plateau[1].  L’intérêt pour la sauvegarde du boisé est donc avant tout le projet de la communauté vivant sur sa proximité ou de spécialistes.

Le Mouvement citoyen propose la création d’un parc public qui serait cogéré par l’arrondissement et un organisme à but non lucratif. Cependant, cette proposition exige que le lieu soit accessible au public. Il doit donc être cédé par le propriétaire. En 2013, l’arrondissement a confirmé ne pas avoir les moyens d’acheter le terrain. Lorsqu’il fut suggéré aux membres du Mouvement citoyen de trouver une fondation ou des bailleurs de fonds, ceux-ci ont répliqué que ce n’était pas à eux de le faire…

Le patrimoine paysager selon la loi

Selon la Loi sur le patrimoine, « le paysage culturel patrimonial doit être reconnu par une collectivité pour ses caractéristiques paysagères remarquables qui témoignent d’une activité humaine particulière sur ce territoire. Ces caractéristiques méritent d’être mises en valeur pour leur intérêt historique, emblématique ou identitaire ».

Les valeurs patrimoniales du jardin Notman

L’arrondissement a commandé un énoncé des valeurs patrimoniales du jardin à la Division du patrimoine de la ville. Selon l’énoncé, le boisé représente l’un des derniers anciens jardins des grandes villas de la rue Sherbrooke au XIXe siècle; sa végétation comporte des espèces rares à Montréal, sans être unique au lieu. Il témoigne de l’engagement caritatif de la famille Drummond qui avait érigé un hospice à proximité. Méconnus aujourd’hui, les Drummond ont aménagé les lieux en un jardin pour les résidents de l’hospice. De cette époque, il subsiste les vestiges d’une fontaine, d’anciens sentiers aménagés et d’espèces horticoles.

Sa valeur la plus importante est utilitaire et se situe dans le domaine environnemental. Localisé dans un quartier densément construit, il devient un ilot de fraicheur et contribue à la séquestration de carbone

Le mirage patrimonial

La nouvelle de la demande de classement a été accueillie favorablement par plusieurs instances dont le Mouvement citoyen. Toutefois, même si le boisé était classé, il demeure une propriété privée et accessible au public selon le bon vouloir du propriétaire. En somme, le problème demeure presque entier.

La proposition est d’argent, mais l’exécution est d’or

William Notman, 1866-67 Photo : Wikipedia commons

William Notman, 1866-67
Photo : Wikipedia commons

Il est certes à souhaiter que ce boisé soit préservé. Toutefois, en choisissant la voie du patrimoine pour arriver à ses fins, l’arrondissement se met en situation plutôt périlleuse. Si la demande de classement est refusée, il ne pourra plus empêcher le promoteur d’aller de l’avant avec son projet sans risquer de se retrouver devant les tribunaux.

Il arrive un moment où lorsqu’un regroupement citoyen croit vraiment à son patrimoine, il doit se l’approprier, le faire sien. Le cas récent de l’héritage de Gilles Vigneault à Nastasquan est des plus éclairants sur ce rapport. Il en est de même notamment pour la maison des frères Page à Candiac et le Griffintown Horse Palace à Montréal. La pérennité d’un immeuble, d’un site ou d’un objet patrimonial ne peut reposer seulement sur une protection ministérielle, ni sur de l’obstruction juridique ou mille et une propositions de future vocation. Ceux qui croient vraiment à leur patrimoine proposent des idées et trouvent des solutions pour les exécuter.

La demande de classement est à l’étude au MCCQ, une réponse est attendue dans quelques semaines.

 


[1] En 2011, selon le recensement, 100 400 personnes habitent le Plateau.

 

2 Responses to Le jardin Notman :

un patrimoine laborieux

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